Cadre de vie

Limoges se pare et se répare de céramique

Des repères visuels et esthétiques marqueurs de son identité

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Dans le cadre de sa politique de développement urbain, la Ville de Limoges, Ville créative de l’Unesco depuis octobre 2017 s’engage dans des projets de développement et de valorisation de la céramique et se positionne comme un des promoteurs de ce savoir‑faire. La création d’un jalonnement en céramique dans le centre-ville fait partie de cette initiative de mise en valeur avec un plan de financement d’environ 222 500 euros. C’est ainsi qu’une vingtaine de pièces en porcelaine « bleu de four » destinées à réparer ce que le temps a dégradé ou à sublimer certains lieux, seront disséminées dans l’espace public invitant ainsi le promeneur à déambuler et découvrir la ville sous un nouvel angle.

La Ville de Limoges, a une longue tradition artisanale et industrielle de la porcelaine, de l’émail, et des vitraux lui valant le qualificatif de Capitale des Arts du Feu. Malgré cela, l’espace urbain de la ville portait encore peu la trace de cette identité historique de la céramique. Forte de ce constat, la municipalité a souhaité pouvoir changer cet état de fait et s’est ainsi engagée dans des projets de développement et de valorisation de la céramique.

Pour la mise en œuvre de ce projet de jalonnement, la Ville de Limoges en partenariat avec la DRAC a fait le choix de passer par une commande publique artistique destinée à :

  •  offrir plus de visibilité aux Arts du Feu (céramique /émail),
  •  créer des liens entre les sites « céramique »,
  • relier les pôles des Arts du Feu des deux quartiers du centre-ville : le Musée national Adrien Dubouché et le Musée des Beaux-Arts ;
  •  et inscrire physiquement le savoir-faire sur les espaces publics pour en faire une vitrine de la Ville.

C’est le projet de « pansement urbain » conçu par le designer Florian Brillet et l’artiste plasticien Nicolas Lelièvre en collaboration avec la manufacture de porcelaine Pierre Arquié qui a été retenu.

Les artistes Florian Brillet et Nicolas Lelièvre (tous deux architectes de formation) ont travaillé en lien avec la manufacture de porcelaine Pierre Arquié, qui s’est chargée de la réalisation des œuvres urbaines.

Le principe est celui du Kintsugi japonnais adapté à l’espace urbain : discipline qui consiste à réparer les objets de céramique à l’aide de délicats joints à l’or fin.

Ici, le bleu de four, un des plus anciens, des plus robustes et des plus prestigieux traitements de la porcelaine, est utilisé à la place de l’or. De part son étonnante profondeur, le bleu de four souligne d’autant plus les vides comblés, les cassures reconstituées, les éléments incrustés, matérialisant ainsi la céramique dans les moindres recoins de la cité porcelainière.

Là où les balisages de randonnée permettent aux marcheurs de trouver leur chemin, le jalonnement urbain est destiné à baliser la ville et à tracer cette voie entre les lieux marquants de Limoges. D’ici fin 2019, une vingtaine de pièces en bleu de four prendront place dans l’espace urbain. Ont déjà été installés :

  • 3 balustres et 2 vasques au Jardin d’Orsay,
  • 2 chasse-roues rue du Pont Saint-Étienne et rue Huchette,
  •  4 ornementations de façades rue du Pont Saint-Étienne, à l’angle de la rue Gaignolle et de la rue du Clocher, place de la Motte et sur le pavillon du Verdurier,
  • 1 numéro rue Othon Péconnet,
  • 1 petit dallage à l’angle de la rue Adrien Dubouché et de la rue des Écoles,
  •  1 décor de balustre avenue du Général de Gaulle ;
  •  2 vasques devant le musée des Beaux-Arts.

Le jalonnement proposé est librement appropriable par chacun. Il ne définit pas un parcours précis mais fait potentiellement partie de chaque chemin emprunté dans le centre-ville de Limoges. Le périmètre de la commande publique artistique concernait le parcours « découverte du centre-ville » qui relie les deux principaux pôles majeurs des Arts du feu retraçant le savoir-faire traditionnel : le musée national Adrien Dubouché (au Nord) et le musée des Beaux-Arts (au Sud), et des sites céramiques/émail majeurs du centre-ville.

Les 20 interventions proposées dans cette commande publique artistique sont essaimées tout au long du parcours. Ce tracé n’est pas un parcours directionnel au sens strict, les pièces singulières sur chaque site amènent le promeneur à s’interroger sur l’œuvre artistique en elle-même et à continuer son parcours, sans pour autant l’encadrer dans un tracé prédéfini de part en part.

Le long du parcours se développe donc une série d’interventions qui relèvent de trois grands types de réponses au contexte du centre-ville :

1. LES REMPLACEMENTS

Chacune des interventions donne une version céramique d’un élément manquant dans la ville. Ces manques qui ont été repérés par l’équipe lauréate concernent principalement des objets sériels comme des éléments de balustrades ou des
objets ornementaux. Ces remplacements visent à restituer ici un alignement, là une harmonie d’ensemble tout en introduisant un décalage par la juxtaposition de la porcelaine avec les matériaux de la ville (pierre, métal). La part d’invention dans la forme des objets a donc été réduite au minimum pour proposer une interprétation simple des éléments initiaux.

2. LES RÉPARATIONS/VALORISATION DE L’ORDINAIRE

Une intention essentielle du projet est de considérer le banal, l’ordinaire, comme un support possible à un geste artistique dans la ville. Cette série d’interventions s’attarde sur des éléments a priori sans valeur parce qu’il sont hors d’usage, qu’ils semblent maladroitement agencés ou encore parce qu’ils relèvent moins d’une intention que d’une pure contingence technique. La démarche consiste ici à tirer parti de ces situations et à en reverser la perception habituelle par un geste esthétique. Le dallage de la rue Adrien Dubouché, par exemple, fait œuvre d’une simple reprise de sol. Dans d’autres cas c’est à une réparation discrète mais indispensable comme avec le remplacement du n°8 de la rue Othon Péconnet.

3. LES JEUX FORMELS

Cette série d’objets propose de regarder la ville comme un domaine plastique que l’on peut modeler, transformer et ré-imaginer. L’équipe a repéré des éléments architectoniques auxquels elle a appliqué des transformations géométriques :
symétries, homothéties, élongations, duplications. Chacune de ces interventions est une petite sculpture qui agit comme un reflet déformé interrogeant la ville et la céramique dans un même geste. Par exemple, la corniche de la rue Gaignolle
propose un jeu avec la forme architecturale et le passé de la ville tandis que la niche place de la Motte met en scène le retrait de 14 % d’un volume de porcelaine au cours de la cuisson.

En décembre 2017, Limoges a rejoint le réseau mondiale des villes créatives de l’UNESCO, aux côté de villes prestigieuses telles Dubaï, Le Caire, Brasilia, Istanbul, Le Cap, ou Manchester...

Le jalonnement céramique est le projet phare du Plan de Valorisation de Limoges Ville Créative UNESCO répondant à l’axe directeur n°1 : faire de Limoges une ville Laboratoire

pour les arts du feu.
Le jalonnement s’inscrit aussi dans le programme des Nations Unies à l’horizon 2030 (Agenda 2030) qui intègre la culture et la créativité dans les plans de développement locaux. Et plus précisément de l’Axe n°11 de l’Agenda 2030 : une céramique pour une ville durable (étant un des matériaux les plus respectueux pour l’environnement, la céramique est utilisée à ce jour pour réparer notre patrimoine ancien à l’image du savoir-faire japonais, le Kintsugi).

La Ville de Limoges a un écosystème de la création et de l’innovation céramiques et sur le plan d’actions de la municipalité pour valoriser les arts du feu. La reconnaissance apportée par cette désignation distingue donc non seulement l’excellence de ses acteurs mais également la pertinence et l’ambition du programme de valorisation proposé par la Ville.

En décembre 2017 toujours, l’Institut national de la propriété industrielle a décerné l’appellation Indication géographique (IG). Signe officiel de qualité et d’origine, cette mention peut désormais être apposée selon des conditions très strictes aux porcelaines Limoges obtient l’Indication géographique pour sa porcelaine qui respectent le cahier des charges.

Le jalonnement céramique s’inscrit dans la continuité des actions déjà entreprises par la Ville de Limoges :

Traditionnellement, depuis l’essor des manufactures, la céramique est visible sur les espaces publics de la ville sous différentes apparences : terre cuite, faïence, grès, porcelaine et récemment sous forme de céramique technique. Elle est essentiellement présente dans la ville sur les façades des bâtiments, mais elle reste difficilement identifiable.

Depuis plusieurs années, les céramiques techniques ont également fait leur apparition dans l’espace public et leurs caractéristiques permettent désormais de s’adapter aux contraintes de ces espaces (résistance aux chocs, aux intempéries…).

Dans ce cadre, la Ville s’est engagée dans différents programmes de recherche et de développement, avec notamment :

  • Le programme URBACER 2009 - 2011, en partenariat avec la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) et le Centre de Recherche sur les Arts du Feu et de la Terre (CRAFT). La Ville de Limoges a participé au développement de mobilier urbain en céramique, dont certains sont désormais présents dans la ville.

Ainsi, l’espace public, ouvert à tous, est devenu le lieu privilégié d’exposition des savoir-faire locaux avec la présence de :

  • 22 potelets céramique (Porcelaines Arquié - designer Marc Aurel) situés devant la Bibliothèque Francophone Multimédia, l’Office de tourisme, le Musée National Adrien Dubouché - Cité de la Céramique Sèvres & Limoges (depuis 2013) ;
  • 8 potelets céramique (Porcelaines Mérigous - Formare design) situés place de la Cité (depuis avril 2016) ; l’appellation Indication géographique (IG). Signe officiel de qualité et d’origine, cette mention peut désormais être apposée selon des conditions très strictes aux porcelaines Limoges obtient l’Indication géographique pour sa porcelaine qui respectent le cahier des charges.
  • 2 bancs et 4 banquettes (Porcelaines Arquié - Formare design) situés devant l’Hôtel de Ville (depuis avril 2016) ;
  • 1 salon composé de deux fauteuils et un banc en céramique (Tôlerie Forézienne - développement CRAFT, depuis 2016).

Ou encore le programme européen CERURBIS 2013 ‑ 2014 : programme de recherche de développement d’applications urbaines de la céramique qui a permis le développement d’un pavé céramique photoluminescent.

Limoges se pare et se répare en céramique

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