Deux artistes, Adrien Aymard et Lise Rathonie, conjuguent leurs talents pour offrir à cet espace un dispositif de signalétique contemporaine, pensée comme une œuvre à part entière, inscrite dans la mémoire et la matière.
Adrien Aymard a fait ses armes à l’école Estienne, prestigieuse école parisienne des arts appliqués.
Très tôt, il développe un goût prononcé pour la création d’images sous contrainte : «C’est dans les limites que naît la poésie graphique»,
glisse-t-il timidement. C’est ce goût particulier qui a trouvé tout son écho dans le projet initié par la Ville de Limoges. En effet, cet artiste a pour objectif de concevoir une signalétique unique, à la hauteur de la richesse historique du site.
Plutôt que de se contenter d’un simple balisage informatif, Adrien Aymard a imaginé une série d’interventions visuelles, comme autant de points de rencontre entre le promeneur et le lieu. Il a créé pour cela une typographie originale, conçue de A à Z, qui puise son inspiration dans les incunables médiévaux – ces tout premiers livres imprimés de la fin du XVe siècle.
Le choix n’est pas anodin : il s’agit pour l’artiste de proposer une oeuvre qui traverse le temps, à l’image des pierres du baptistère. La forme des lettres, légèrement gothique, fait écho aux contours architecturaux du site. Des courbes, des angles, des pleins et déliés qui résonnent avec les structures anciennes, tout en affirmant leur modernité. « Ce que je voulais, c’était respecter ce lieu, ne pas imposer un langage graphique contemporain déconnecté du contexte. Il fallait que le geste s’inscrive dans la continuité, dans la mémoire visuelle de Limoges », explique-t-il. Le lien avec l’émail – patrimoine vivant de la ville – s’impose alors naturellement. La matière devient l’équivalent du langage, la texture, un vecteur d’émotion.
Lise Rathonie, l’émail comme héritage et terrain d’expérimentation
Ce dialogue entre tradition et création contemporaine se poursuit avec Lise Rathonie, chargée de réaliser l’incrustation d’émail sur métal dans l’espace public, une première en France !
Issue d’une famille d’émailleurs, elle a grandi au contact de cet artisanat d’exception.
« Mon père était maître émailleur. J’ai grandi dans les ateliers, j’ai vu la matière prendre vie entre ses mains », raconte-t-elle. Son parcours, à la fois artistique et technique, l’a menée du lycée Raymond-Loewy à La Souterraine jusqu’à l’école supérieure de l’image à Poitiers, avant de revenir à Limoges pour passer son CAP d’émailleur d’art.
Depuis une quinzaine d’années, elle explore les potentialités de l’émail, avec un objectif clair : lui redonner sa place dans la création contemporaine.
« C’est un matériau souvent perçu comme désuet, figé dans une esthétique d’un autre temps. Or, il est incroyablement riche, adaptable, vibrant. Il mérite qu’on le dépoussière, qu’on l’emmène ailleurs », affirme-t-elle avec conviction.
L’appel à projets lancé par la Ville pour le réaménagement de la place Saint-Étienne a immédiatement suscité son intérêt. D’autant qu’elle connaissait déjà Adrien Aymard, avec qui elle avait collaboré par le passé.
Ce qui la touche particulièrement, c’est justement la durabilité du projet. Contrairement à une œuvre exposée dans une galerie ou un musée, vouée à être déplacée ou rangée, cette signalétique artistique est destinée à rester dans l’espace public. Elle s’y ancre, elle y vit. « L’idée que les gens la voient, la touchent peut-être, la croisent au quotidien, c’est fort. Cela donne du sens à mon travail ».
Un projet à la croisée des disciplines, des époques et des regards
Ce dialogue entre typographie et émail donne naissance à un projet à part. Une œuvre multiple, faite de fragments disséminés, mais pensés comme un tout.
L’objectif : accompagner la redécouverte du baptistère et de la place Saint-Étienne, tout en offrant une expérience sensible et esthétique aux passants.
« Ce n’est pas juste de l’information, ce n’est pas seulement de la décoration. C’est une médiation pour les usagers de cet espace, de façon poétique, évocatrice », résume Adrien Aymard.
La collaboration entre ces deux artistes illustre à merveille l’ambition de ce réaménagement : faire dialoguer passé et présent, patrimoine et création, pour que l’espace public devienne un lieu d’attention et de poésie.
Une manière aussi, pour Limoges, de réaffirmer l’importance de ses savoir-faire et de son histoire, tout en osant de nouveaux récits.